L’horloger de Dachau – Carly Schabowski

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Résumé de l’éditeur :
Un train déchire le silence de la campagne bavaroise, d’une beauté virginale sous la neige d’hiver. Dans les wagons, des centaines d’hommes et de femmes sont entassés, frigorifiés et terrifiés. Isaac, un horloger juif, sait que ce voyage qui le conduit à Dachau sera son dernier.
Mais à son arrivée au camp de la mort, Isaac est séparé des autres et emmené dans la maison d’un haut responsable où on a besoin de ses talents d’horloger. Sa vie est désormais suspendue à un fil : que se passera t-il lorsqu’on pourra se passer de ses services ?
Lorsque ses yeux croisent ceux d’Anna, une déportée engagée comme domestique chez cet officier nazi, il sait qu’il a trouvé une raison de vivre. Mais dans ce lieu où le mal et la mort sont omniprésents, il n’y a évidemment pas de place pour l’amour. Anna et Isaac vont devoir se battre pour espérer, un jour, pouvoir vivre libres et heureux.

 ★ Merci à Eric Poupet pour ce SP ★

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A force de lire des récits de ce genre, qui nous emmènent en plein coeur des camps de concentration, on pourrait se dire que l’on va se lasser, puisque tous traitent du même sujet. Je suis alors toujours autant étonnée de constater la diversité des récits contés, ou encore la proposition de narration proposés. Cela nous offre à chaque roman lu, une expérience supplémentaire et ces romans arrivent encore à me surprendre.

L’auteure utilise une narration à la troisième personne, une narration judicieusement choisie mais aussi bien maitrisée, qui nous permet alors de découvrir le récit sous différents angles. L’expérience vécue ici, dans le camp de concentration de Dachau cloisonne énormément le récit, on découvre ainsi les personnages dans un espace très fermé qui n’est pas sans rappeler que quoi qu’ils vivent, ils sont et resteront prisonniers. L’action se passe donc au sein du camp de concentration, et de cette maison qui est celle de celui qui gère ce camps. Si les souvenirs et les passés des personnages nous emmènent ailleurs, il y a toutefois toujours cette sensation d’enfermement, puisque même avant d’être prisonniers, ils vivaient tous dans un espace restreint et ce afin de ne pas se faire capturer.

Dans ce roman, nous suivrons donc plusieurs personnages qui nous permettront de connaitre leur histoire, avant, pendant et après les années de guerre. C’est auprès de certains déportés, comme Anna et Isaac qui seront les principaux protagonistes que nous allons cheminer parmi l’histoire de tant d’autres. La découverte d’un journal nous permettra de découvrir l’histoire bouleversante de J.A.L., un homme qui a aussi été déporté à Dachau et qui a trouvé le moyen de laisser une trace de son passage dans des écrits qu’Isaac découvrira. Plus on avance dans le récit, plus on découvre son histoire, pour finir par s’attacher à chaque moment où l’on lit son récit. Anna et Isaac ont alors l’impression de le connaitre et de partager son expérience, similaire en fin de compte à la leur, car tous ont vécu ces moments où leur vie a changé car ils sont de confession juive. Nous même sommes alors très attachés à cet homme et à ce qu’il raconte dans ses écrits, s’adressant à une personne aimée à qui il se raccroche avec passion.

Anna est une jeune femme de vingt-neuf ans, elle va travailler au service des Becher, la famille de l’officier nazi qui dirige le camps. Elle s’épargnera ainsi les travaux forcés sur le camps, jouissant d’une certaine « chance » si l’on peut utiliser ce mot dans ce cas-là. Malgré cela, sa vie n’aura de cesse d’être elle-aussi en danger car les nazis sont imprévisibles dans leurs actions et réactions et sa position de femme n’a jamais été aussi dangereuse. Anna devra donc cotoyer le commandant, sa femme et leur fils, ainsi qu’un autre homme qui travaille et est très proche de la famille. Elle passera ses journées auprès d’une femme aux cuisines de cette famille, une femme qui par bien des actions fera en sorte de protéger tous ceux qui passent dans cette maison. C’est un personnage qui sera précieux à découvrir et que l’on apprécie d’emblée pour toutes ses actions et sa présence. C’est ainsi qu’Anna fera la connaissance d’Isaac, un autre déporté juif.

Isaac est un homme plus âgé qu’Anna, il a la soixantaine. Il est fils d’horloger et c’est ainsi qu’il a vécu, autour de ce métier. C’est d’ailleurs grâce à cela qu’il sera amené à travailler pour l’officier Becher, en réparant d’abord une horloge, puis des montres et tout ce qui est mécaniquement réparable. A travers ses réparations, il rencontrera Anna, cette jeune femme qui illuminera ces instants qu’il passera dans cette petite cabane froide et austère, parmi ces gens de pouvoir dangereux. En réparant toute sorte de choses, il réparera un train, celui de l’enfant de la famille, un autre personnage très intéressant à découvrir. Friedrich vient de rejoindre ses parents après avoir vécu en internat loin d’eux, cette maison, il ne la connaissait pas, et il n’a que peu de droit et comme tout enfant, il s’ennuie vite surtout que ses parents font peu cas de lui et n’ont rien d’aimable dans leur façon d’être avec lui. Il n’hésitera donc pas à faire la connaissance de tous ces gens qui travaillent pour ses parents, et c’est à travers son regard innocent que l’on pourra mettre en lumière le contraste marquant dont les juifs sont traités, et réduits au simple rang de bétail. J’ai trouvé alors très intéressant de découvrir son point de vue, celui d’un enfant qui n’a absolument pas conscience de ce qui se joue alors et qui apportera tant de moments précieux à ces gens qui l’entourent.

En accompagnant Anna et Isaac, ainsi que Friedrich et J.A.L. nous faisons la connaissance d’autres personnages qui deviendront pour eux des amis, et qui seront ce qui est le plus proche d’une famille, tant les moments partagés sont marqués par ce qu’ils vivent. On s’attache ainsi à plus d’un personnage, nous demandant qui parmi eux s’en sortira, avec cette peur de ce qu’ils pourraient subir sous le joug de ces nazis. La haine des juifs est mise en parallèle avec la façon dont ils ont tous de se soutenir au mieux. Il y a un contraste marquant entre cette famille qui dirige, ces nazis qui ordonnent et ces déportés juifs qui vivent comme du bétail, et qui perdent de leur identité, n’étant plus traiter en humain, mais comme des animaux. L’auteure aborde alors bien des thématiques liées à la Shoa, mettant en évidence de quelles façons cette haine des juifs se manifeste, nous contant les horreurs que ce peuple a pu vivre, des horreurs qu’encore aujourd’hui, on a du mal à imaginer tellement elles sont atrocement douloureuses et incompréhensibles.

Ce qui s’impose ici, c’est le temps qui passe, l’action dans les camps ne se passe qu’en quelques mois, et c’est un fait très marquant dans tous les récits sur les camps de concentration. En effet, si l’expérience qu’ils vont vivre s’avère très souvent courte, elle est aussi tellement marquante que l’on pourrait croire qu’ils y sont restés des années. Comme quoi, chaque jour est un combat pour rester en vie et que l’on ne sait jamais alors ce qui peut arriver quand on se réveille le matin. Il suffit d’un moment pour que tout change, tant vis à vis de ce à quoi ils seront confrontés, qu’aux découvertes qu’ils feront de telle ou telle chose résultant de leurs conditions de vie, tout comme de la perte d’un proche ou du traitement d’autres par les nazis. J’ai constaté cela à force de lire des romans de ce genre, chaque déporté vit ces moments différemment et sur des durées différentes, mais chacun d’eux les vit avec cette même peur de mourir à chaque instant, ce qui rend le temps passé beaucoup plus lourd qu’il n’y parait.

J’ai trouvé très originale et intéressante la façon dont l’auteure nous présente ses personnages et les liens qui les unissent. Dans ce roman, on y découvre plusieurs destins de personnages différents mais qui pourtant sont unis par cette expérience des camps, même s’ils ne se connaissent pas et ne vivent pas ces moments de la même façon. Même en étant un peu protégés, autant que l’on peut l’être dans cette situation, le danger reste constant et les horreurs vécues marqueront à tout jamais les esprits de toutes ces personnes qui ont vécu dans un camp de concentration. J’ai été saisi par l’ignominie de ces camps, par les réactions de pure joie de ces nazis qui prenaient plaisir à faire le mal, et tout cela est contrasté par la douceur de ces personnages qui tentent au mieux de se fondre dans le paysage pour ne pas se faire remarquer et rester en vie.

C’est un roman avec lequel plus on avance, plus on s’attache à ses personnages. Notre intérêt pour eux monte crescendo, et on finit par tant nous sentir proche d’eux que l’on ne peut absolument pas rester de marbre face à ce qu’ils vivent. J’ai été émotionnellement marquée par ces histoires, qui sont le rappel de la réalité des faits qui se sont produits durant cette guerre. Il est important de ne pas oublier tout ce qu’il s’est passé alors et ce roman nous permet d’évoquer bien des destins.

L’horloger de Dachau
De Carly Schabowski
City Editions
Broché 350 pages
Sortie le 03/11/2021

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