Les dernières heures – Ruth Druart

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Résumé de l’éditeur :
À l’aube de la Libération, Paris vit ses heures les plus sombres. Mais la jeune Élise n’hésite pas à braver les dangers et à partager le peu qu’elle possède avec un orphelinat juif. Affamée de justice, elle va encore plus loin, exfiltrant les enfants avant qu’ils ne soient envoyés au camp de Drancy. Un jour, elle fait la rencontre de Sebastian, un jeune soldat allemand. Chaque jour, pour le Reich, il traduit les lettres de dénonciation. Mais sa rencontre avec Élise va le confronter à l’horreur de ses actes et à un terrible dilemme : trahir son pays ou renoncer à l’amour de la belle Française. Dix-neuf ans plus tard, une jeune femme, Joséphine, découvre dans une vieille valise, une lettre qui remonte à la guerre. Un mot d’amour destiné à sa mère mais écrit par un autre homme que son père. Peu à peu, elle remonte le fil d’une histoire d’amour interdite. L’histoire d’une trahison et d’une vérité indicible qui va changer sa vie à tout jamais.
Un amour interdit au cœur de la Seconde Guerre mondiale.

 ★ Merci à Eric Poupet pour ce SP ★

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C’est le type d’histoire sur cette période de la seconde guerre mondiale que j’adore lire. Alors si elles sont toutes plus ou moins basées sur un schéma narratif identique, elles offrent toutefois des différences et de mon côté, je me laisse facilement embarquée par la dynamique de ces amours interdits. Maintenant il faut aussi que cela ait une certaine cohérence dans les faits et dans les décisions des personnages, pour que cela tienne la route. Ici, c’est un roman de Ruth Druart que j’ai déjà lu avec L’enfant du train, roman que j’avais beaucoup aimé lire et je retrouve certaines caractéristiques de sa plume ici même.

Le récit de ce roman se conjugue au présent et au passé, nous oscillons entre les années de guerre et l’année 1963, dix neuf ans après les faits. Le roman est composé de trois parties et chacune d’elles évoque plusieurs points de vue de personnages, nous permettant de bien avoir toutes les cartes en main pour saisir tout ce qu’il s’est passé. Nous serons auprès d’Elise et Sebastian alors qu’ils vivent quelques mois intenses et révélateurs de sentiments forts éprouvés pendant la seconde guerre mondiale, pour ensuite nous retrouver en 1963 aux côtés de Joséphine, une jeune femme qui sera confrontée à un secret profondément enfuis sur l’identité de son père. Chaque situation proposée évoque les sentiments éprouvés par les personnages qui ont été confrontés à des réalités de vie difficiles. Les deux périodes présentées nous offrent alors des émotions intenses et parfois déchirantes car ces années de guerre ont engendré bien des histoires qui n’ont pas pu se poursuivre, car jugées immorales par beaucoup.

1944, cela fait plusieurs années que la guerre gronde, et Paris est occupé par les allemands. Les français tentent de survivre, face à la pénurie de nourriture, aux interdictions diverses mais aussi face au danger de chaque instant. Vivre entourés d’allemands n’est pas chose aisée, car il suffit d’une fois pour que vous soyez embarqué et tous savent alors que l’on n’est jamais sûr de s’en sortir. La menace de la Gestapo, la crainte de cette police française alliée aux forces allemandes ainsi que les dénonciations, tout cela constitue une peur constante pour chaque parisien dans sa propre ville. Cette occupation est effrayante et pour ceux et celles qui oeuvrent en secret et illégalement, elle ajoute un poids énorme sur leurs épaules dans chaque action entreprise.

Élise est une jeune femme qui vit avec sa mère et sa plus jeune soeur à Paris, tandis que son père a été fait prisonnier en Allemagne. Elle partage son temps entre son travail, sa famille et quelques activités à travers lesquelles elle peut aider ceux qui en ont besoin. Elle fonctionne avec une certaine routine, respectant consciencieusement certaines règles pour ne pas attirer l’attention. Elle vit dans la haine des allemands et ne souhaite qu’une chose, que la guerre se finisse au plus vite. Elle fait la connaissance de Sebastian Kleinhaus, au détour des rayons d’une librairie que tous deux côtoient, elle la jeune française et lui le jeune officier allemand. Entre eux, l’atmosphère est un peu tendue, elle l’est d’une manière générale en présence de l’uniforme nazi, ce qui gêne énormément le jeune Sebastian qui ne cautionne pas l’idéologie nazie mais ils seront amenés à se recroiser à plusieurs reprises et leurs rapports évolueront vers quelque chose de plus profond.

Sebastian Kleinhaus est allemand par son père, mais sa mère est française, il est en poste à Paris en tant que traducteur, mais les documents qu’il doit traduire reflètent l’état d’esprit de cette guerre. Il s’agit principalement de dénonciations des français sur des familles juives, des résistants ou de toute personne en opposition au régime nazi. Sebastian a été très jeune embrigadé dans les jeunesses hitlériennes et s’il n’adhère pas aux idéaux de son pays, il n’a guère le choix que de le servir. On se rend bien compte que bon nombre d’allemands ont été happés par cette guerre, sans adhérer aux idées de leur fürher mais pour ceux qui les côtoient chaque jour, ils sont des allemands, donc des nazis, donc des ennemis. Sebastian se sent très seul et n’apprécie pas la tâche qui lui a été assignée, et s’il apprécie beaucoup Paris, il n’aime pas vivre dans cette ville sous l’ombre de l’occupation allemande. Il se rattache alors alors quelques moments de détente, surtout quand il part à la recherche d’un nouveau roman.

C’est ainsi qu’Elise et Sebastian vont se connaitre, et Sebastian sera amené à porter secours à la jeune femme. Ces différentes interventions et quelques moments échangés changeront la façon dont elle le perçoit. Leur histoire débutera alors, envers et contre tous, dans le secret mais sans oublier qu’il ne faut pas que qui que se soit ne puisse le savoir, au péril de leur vie. L’histoire est poignante et ce pour différentes raisons. Déjà elle aborde tous les points forts de la seconde guerre mondiale dans le type de relation que l’on aborde ici : celle d’un officier allemand et une française. Une relation interdite, on le sait mais on sent bien à quel point elle l’est dans ce roman. Si nous avons toutes les cartes en main pour l’accepter et la comprendre, ce n’était pas le cas à l’époque et les conséquences d’avoir vécu cette relation sont dramatiques. Tous deux vivront leur passion en secret, et ils en subiront les conséquences, dans la douleur, la tristesse et la peine.

1963, cela nous mène à ce moment des années plus tard, la guerre est finie mais les mentalités ne l’ont pas oublié et certaines choses ont du être cachées pour ne pas en subir les conséquences. Mais ceux qui n’ont pas vécu cette période ne peuvent que difficilement comprendre ces silences. Joséphine est une jeune femme qui vient de passer son bac, elle a cette envie de découvrir le monde, de quitter son petit village de Bretagne. Mais sa mère ne l’entend pas ainsi et c’est alors qu’elle va découvrir ce qui lui a été caché depuis toutes ces années. Face à cette révélation, elle décidera de découvrir la vérité sur son histoire, découvrant ainsi ce passé qui est le sien, mettant en lumière toutes ces années qui ont suivi sa naissance. Le récit est très entrainant, qu’il soit conté au passé ou au présent, et les personnages se livrent à nous sans retenu, et aussi avec cette part de vulnérabilité qui caractérise chacun d’eux, et qui engendre des réactions parfois abruptes et poignantes.

Une histoire d’amour qui n’a pas eu la chance de s’épanouir pleinement, et qui aura embarqué tant de destins dans son sillage. Les années de guerre ont causé des blessures qui ne se sont jamais refermées. On évoque tous les personnages de ce roman avec profondeur, la narration multiple est parfaitement bien maitrisée et nous permet de tout bien appréhender, j’aime beaucoup cela dans la plume de Ruth Druart. La finalité de ce roman est logique par rapport au déroulement de l’histoire, même si elle laisse un goût sacrément amère en bouche. Elle m’a touchée, car Ruth Druart propose ses personnages tels qu’ils sont, avec leurs qualités et leurs défauts, et si leur histoire se finit ainsi c’est parce qu’ils ont fait des choix, qui ne collent pas forcément avec ce que l’on voudrait mais qui restent cohérents. J’apprécie cela dans sa plume, elle va au bout de son idée et même si on aurait aimé autre chose, on ne peut que concevoir qu’elle a raison. Bon je reste quand même un peu frustrée, disons que le coeur aurait aimé que cela ne se passe pas ainsi.

Ruth Druart nous offre ici une très belle romance, j’aime sa façon de manier les émotions qu’éprouvent ses personnages. Elle sait alliée une histoire poignante à la réalité, tout en mettant en péril l’équilibre de ses personnages. On peut dire qu’elle ne leur épargne rien, mais bon après je trouve cela très intéressant car elle évoque des moments très durs de cette période à travers leur vécu. Beaucoup d’injustices, beaucoup d’idées préconçues et tant de choses n’ont pas permis à ces couples d’être heureux ensemble. C’est affreux, car au delà d’une idéologie, d’une guerre, ils restent de humains qui n’ont pas forcément demandé à être embrigadés et qui ont aussi oeuvrer pour le bien, mais tout cela n’était pas reconnu alors et ils en ont subi les conséquences. De constater l’impact de ce type d’histoires bien des années plus tard est aussi très intéressant, car presque vingt ans après, les gens n’ont pas oublié et les blessures sont encore ouvertes. Le récit est passionnant à suivre qu’il soit de cette période de la seconde guerre mondiale, que dans la partie qui se déroule plusieurs années plus tard.

Les dernières heures 
De Ruth Druart
City Editions
Broché 460 pages
Sortie le 29/06/2022

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