Résumé de l’éditeur :
Il était une fois dans le Bayou…
C’est l’été 1982 à Bout-du-doigt. Sunshine, 12 ans, est élevée par son père. C’est la première fois qu’elle passe les vacances sans sa cousine. À qui peut-elle parler des cailloux qui se sont développés dans sa poitrine et des araignées qui s’y aventurent parfois ? Depuis que son corps change, le comportement de son père change aussi, et Sunshine se sent menacée par les manifestations de tendresse de cet homme qui est tout pour elle. La jeune fille se réfugie dans les histoires qu’elle tient de ses aînées pour contourner une réalité qui lui échappe.
On raconte que, dans les méandres du bayou, un insatiable crocodile sème la terreur. C’est pourtant de son cœur amoureux qu’a jailli la maison de la guérisseuse. La femme du crocodile est sans doute la seule capable de venir en aide à Sunshine sans la contraindre à révéler ses secrets.
Un roman d’initiation vibrant d’émotions, dont les pages sont traversées par la beauté inquiétante des créatures et légendes du Bayou.

 ★ Merci aux éditions Hauteville pour ce SP ★

C’est bien l’histoire de plusieurs générations que nous découvrons dans ce roman. Celles de jeunes femmes qui vivaient dans cette Amérique profonde soumis à des conditions de vie pas toujours faciles. A travers le personnage féminin principale, une jeune adolescente, nous découvrirons une histoire de famille reliant son père, sa tante, sa grand-mère et plus encore.

Ce qui est frappant dans ce roman, c’est que l’on est en complète immersion dans le Bayou, celui des années 80, on se rend compte de la façon très isolée qu’ils ont de vivre, loin de la ville, et surtout en pleine nature. Une nature hostile et dangereuse qui nous conte ce qu’il pourrait arriver si on ne respecte pas certaines règles. A travers quelques légendes, l’omniprésence de ces dangers guident les décisions et les précautions de chacun, mais cela reste aussi un interdit qu’il est si tentant de ne pas respecter.

L’innocence, l’isolement, la précarité de certaines vies, voilà bien des thèmes qui seront évoqués dans ce roman, et ce à travers un personnage principal âgée de douze ans. L’innocence de ce personnage féminin, Sunshine reflète bien cet isolement qu’ils ont à vivre si loin des autres. Sunshine n’a pas réussi à se rapprocher de ses camarades à l’école, et les seuls qu’elle côtoie, se sont en fin de compte les membres de sa famille : son père avec qui elle vit seule, sa tante et son compagnon ainsi que sa cousine de quelques années de plus qu’elle. Tout ce qu’elle sait de la vie, elle le sait d’eux, et on prend bien en compte l’ampleur de ses interrogations sur toutes ces choses qui déterminent ces années d’adolescence quand tout change. On est aussi confronté à la précarité de certains, il est parfois difficile de vivre ainsi, de maintenir la tête hors de l’eau et de maintenir un cap positif, d’autant plus quand on a été confronté dès le plus jeune âge à la violence d’un père. Les femmes subissent beaucoup, n’étant pas toujours en mesure et dans la possibilité de rebondir et de mettre fin à une situation difficile.

La condition de la femme est ainsi évoquée, dans une Amérique profonde où les hommes se permettent plus de libertés encore que si nous étions dans une grande ville. Si certaines choses paraissent normales aux yeux des personnages, elles ne le sont pas, et c’est ainsi que nous découvrons quelques secrets qui se dévoilent au fil de notre lecture. L’apprentissage lié aux abords de l’adolescence et donc de la puberté, rappelle aussi la position de la femme dans un contexte ici très restreint. Il y a un contraste marqué entre les personnages, et ce selon leurs âges et leurs expérience de la vie. La toute jeune héroïne n’aura pas la même perception des choses que sa cousine plus délurée et ouverte aux autres, ou encore que sa tante, adulte ayant vécu plus de choses qu’elle. On découvre ainsi plusieurs portraits de femmes, au présent tout comme au passé, toutes ont vécu dans ce Bayou, toutes appartiennent à un même milieu et chacune d’entre elles apportera ainsi des éléments précieux à cette histoire qu’elles partagent toutes.

C’est un roman qui change de ceux que je lis d’habitude, et je crois que c’est aussi pour cela que j’ai choisi de le lire. J’ai été plutôt très intéressée par ce récit, qui mêle les légendes et les particularités de la vie dans le Bayou à l’histoire de plusieurs personnages, tous liés les uns aux autres. J’ai trouvé cela assez attrayant cette façon qu’elle a eu de mêler les récits du passé au présent, on avance ainsi en alternant jusque la finalité de l’histoire liée à ce que chacune a vécu. Dans l’histoire de cette famille, il y a bien des choses qui ont tenu sous silence, et cela aura un impact sur chacun au moment où l’histoire se déroule. On se rend compte alors que l’isolement de ces familles, rend la perception des choses bien différentes que quand on est entouré d’autres.

C’est un beau roman qui m’a bien plu, il m’a sorti de ma zone de confort et j’en ai bien apprécié ma lecture. Il n’a pas un rythme très soutenu, la plume accompagne avec douceur tout en étant saisissante vis à vis de certains faits mais elle n’édulcore pas l’ensemble. Elle propose un récit qui se vit au rythme du Bayou et selon les personnages que nous accompagnons. J’ai ressenti bien des émotions en le lisant, j’ai trouvé intéressant être dérangée par certains gestes qui présupposent bien d’autres à venir, puisque cela nous interpelle assez rapidement. A côté de cela, j’ai été touchée par les conséquences qu’une vie isolée des autres peut engendrée sur la perception que l’on a de moments qui ailleurs n’auraient pas été perçus de la même façon. Ce roman, c’est un tout, on a le Bayou qui est un personnage en soi et ceux qui y vivent et qui le subissent en même temps. La femme y tient une place importante et elle nous sera contée à travers plusieurs générations.

La femme du crocodile
De Ashleigh Bell Pedersen
Editions Hauteville
Broché 380 pages
Sortie le 04/05/2022