La rue qui nous sépare – Célia Samba

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Résumé de l’éditeur :
Noémia a dix-neuf ans, Tristan vingt et un. Ils se croisent tous les jours, ils se plaisent, c’est évident. Mais Noémia est étudiante et Tristan est sans-abri. Entre eux, il y a le froid, la société ?
Entre eux, il y a la rue….qui est difficile à traverser.

 ★ Merci aux Editions Hachette Romans pour ce SP ★

☆ AVIS DE BELI ☆

C’est un roman que j’ai tout de suite eu envie de lire, car le sujet m’a interpellé.
Le fait que ce roman ait été aussi le grand gagnant du concours lancé par Hachette Romans sur le sujet « Nos futurs » a aussi contribué à l’intérêt que je lui ai porté car à l’époque du lancement de ce concours, je me suis demandée quels seraient les sujets que les candidats pourraient proposés pour ce sujet.

Célia Samba utilise la double narration, nous permettant ainsi de suivre ses deux personnages principaux : Mia et Tristan. Ils ont tous deux la vingtaine mais ne vivent absolument pas dans les mêmes conditions. Mia est une jeune étudiante, qui vit en collocation avec son cousin et sa cousine. Elle est venue à Paris pour ses études, et elle a encore un peu de mal à se faire à la vie trépidante de cette ville. Tristan est un jeune homme, qui vit à la rue. Il est sans-abri depuis quelques temps maintenant et il tente au mieux de survivre dehors, au jour le jour. Nous allons tous deux les découvrir dans leur quotidien, et ainsi bien appréhender leur monde mais aussi leur personnalité et la façon dont ils réagissent vis à vis d’eux-même mais aussi des autres. Cette double narration a vraiment une importance primordiale dans notre appréhension de cette histoire, car elle creuse encore plus le fossé qu’il y a entre leurs deux mondes. En effet, quand on suit Tristan, on se rend compte de sa vie précaire, qui est d’autant plus mis en évidence par le confort dont Mia jouit.

L’histoire nous conte donc ces deux personnages qui vivent chacun d’un côté de la société, et c’est quand Mia va hésiter, pour finir par tenter de faire un pas vers lui, que leur histoire commence. Mia est une jeune femme très attendrissante, dans le sens où elle a vécu des moments difficiles qui ont fait d’elle, cette jeune étudiante effacée et discrète. Elle a beaucoup de peurs et ne préfère pas s’ouvrir aux autres, ses cousins lui suffisent et ils s’occupent d’elle avec beaucoup d’amour et d’écoute, découvrir leurs personnages est aussi très intéressant pour bien comprendre qui est Mia. Pour elle, faire ce premier pas vers Tristan relève presque d’un exploit, elle qui n’ose rien de plus que de vivre son quotidien, c’est ainsi qu’elle va aller au delà de ce qu’elle donne aux autres. J’ai beaucoup apprécié la suivre, voir ce qu’elle pensait au contact de Tristan, et dans sa démarche de l’aider, avec ses doutes, ses peurs et toutes ses questions vis à vis de ce « sans-abri ». Toutes ses réflexions sont légitimes, car on ne sait jamais quelles réactions on aura et parfois, c’est ce qui empêche aussi la démarche de faire un geste vers eux.

Tristan est jeune, il a vingt-et-un ans et le fait qu’il soit sans-abri accentue cette jeunesse. Quand nous sommes face à ces jeunes qui vivent dans la rue, on se demande forcément où sont leurs familles, pourquoi personne ne les aide et ce qu’ils ont du vivre pour en arriver là. Les moments qui lui sont consacrés, sont criant de vérités dures à lire, elles font peur, elles nous confrontent aussi à ce qu’ils peuvent ressentir. En le suivant dans son quotidien, on est alors saisis d’effroi en constatant qu’il est accompagné de précautions qui lui permettent de rester en vie. Nous mêmes quand nous sommes en dehors de chez nous, dans des endroits sombres ou peu fréquentés, nous éprouvons des peurs vis à vis de ce qu’il pourrait nous arriver, alors imaginez-vous être constamment soumis à cette peur, avec peu de solutions pour y échapper. En le lisant, cette peur omniprésente m’a saisi, et elle nous projette dans la réalité de ce qu’ils vivent au quotidien. Je dois dire que cela nous procure bien des émotions, et on se sent mal à l’aise d’avoir cette chance qu’eux n’ont plus d’avoir un toit. Tristan m’a beaucoup touché, il nous livre la moindre émotion qu’il éprouve : de la peur que j’ai déjà évoqué, à être confronté à la brutalité de la rue qui se manifeste de bien des façons, à ce moment où il dévore un nuggets chaud en fort contraste avec le fait de vivre dehors, face aux éléments de la météo, qui provoquent bien des dangers pour la santé.

Cette image du sans-abri assis au sol, qui regardent le « bas » des gens qui eux mènent leur vie sans même s’arrêter, le contraste avec ce sol et cette position assise, tandis que les autres paraissent grand et vivant, débordant d’énergie, est assez saisissante. Ce contraste saisissant est le reflet de ce que sont Mia et Tristan au début et met en lumière bien des réactions que nous avons tous lorsque nous passons à côté des sans-abris dans la rue. Célia Samba nous propose plusieurs mises en situations de ce que vit un sans-abri et ce sont des moments percutants et il est impossible d’y rester insensible. Les images restent gravées en nous, les scènes sont saisissantes et reflètent des conditions de vie déplorables et inhumaines. Cela provoque un malaise certain, une prise de conscience que l’on fuit mais à laquelle on pense forcément quand on passe à côté de quelqu’un qui vit dehors.

Dans ce roman, il y a aussi une très jolie histoire d’amour, entre Mia et Tristan. Une histoire entre deux mondes qui s’opposent, ce qui provoquera d’ailleurs quelques situations problématiques dans leurs démarches l’un vis à vis de l’autre, liées aux incertitudes, aux hésitations et à leurs peurs. Lui car conscient de sa vie, pense n’avoir rien à offrir à une jeune femme qui vit « normalement » et qui est en droit de rencontrer la bonne personne. Elle, qui vit dans l’incertitude depuis tant d’années et qui a peur de souffrir de nouveau et ne sait pas comment aborder cette rencontre à ceux qui vivent auprès d’elle, car elle a peur qu’ils ne viennent la juger et par extension porter un jugement sur Tristan. C’est avec patience, considération pour l’autre et un grand respect qu’ils avanceront, freinés par leur appartenance à un côté ou un autre de la rue. Je les ai trouvé tous deux très touchants dans la façon qu’ils auront d’appréhender l’autre, ils sont encore jeunes et leurs conditions de vie accentuent les hésitations, les rendant encore plus mignons. L’histoire d’amour y est belle, elle se lie bien avec la thématique de ce roman, abordant ainsi leurs personnalités et leurs façons d’être avec les autres.

C’est un roman à la fois très doux, car Mia est une douce personne qui est très appréciable, tout comme Tristan, qui malgré sa situation, reste quelqu’un de poli, agréable, serviable, gentil que l’on apprécie de suite. Mais c’est aussi une lecture coup de poing, car elle nous propulse dans la réalité et la violence d’un monde qui est devant nos yeux. Je me suis sentie bien au chaud auprès de Mia, tandis que je n’ai pas cessé de ressentir le froid et la peur auprès de Tristan. Plus le temps passe, plus la situation évolue, les instants de bonheur offerts à Tristan lui procurent alors bien des moments de plénitude et de joie, tandis que la réalité de la rue ne cesse de le poursuivre, pour le pousser petit à petit vers des pensées négatives, qui sont parfois difficile de contrer. Comment retrouver la force de s’en sortir quand la société ne fait rien pour vous aider ? Comment sortir de ce cercle vicieux qui vous embarque dans un monde que personne ne veut reconnaitre, face auquel beaucoup détourne le regard, rendant invisible ces personnes qui souffrent.

Je ne vous parlerai pas de la finalité de ce roman, car je ne m’y attendais pas et n’étant pas de ces lectrices qui aiment être prévenues, je préfère me taire, mais je répondrais aux questions en privé si besoin ! Non, mais blague à part, cette mérite d’être découverte, ce roman est le reflet d’une réalité bien triste de notre société, Célia a su retranscrire les conditions de vie des sans-abris avec beaucoup de justesse, je dis cela par rapport à l’idée que je m’en fais. J’imagine bien que tant que l’on n’a pas vécu cette situation, il nous est difficile d’imaginer l’ampleur de ces conditions de vie mais elle en a parlé avec suffisamment de détails pour que l’on puisse se rendre compte de ce qu’ils traversent. Je me suis d’ailleurs demandée à ce moment-là, de quelles façons elle avait préparé son texte pour être si précise dans ses descriptions, elle répond à cette question à la fin du roman.

Le récit m’a vraiment profondément touchée, d’autant plus que je vis sur Paris, et que ces hommes et ces femmes qui vivent dehors, j’en croise tous les jours, beaucoup. Et si on aimerait pouvoir tous les aider, il est difficile de le faire financièrement parlant, mais il est vrai qu’il suffit d’un bonjour, d’un sourire, pour leur montrer déjà qu’ils ne nous sont pas invisibles. Quand Mia offre une crêpe à Tristan, ça m’a rappelé il y a quelques années, une situation un peu similaire que j’ai vécu avec un vieux monsieur qui vivait dehors. Je prenais des cours du soir, et je rentrais tard chez moi et il s’installait toujours au même endroit, une fois que les lieux étaient fermés. Seul, isolé dans une rue, quand j’y passais, j’étais seule aussi et on ne peut pas s’empêcher de se méfier, mais un jour je revenais d’un pot et j’avais de la nourriture sur moi, et je lui ai proposé, tout en ayant tellement peur qu’il m’envoie balader ou ne se fâche et devienne agressif. Ce ne fut pas le cas, il a été touché et m’a remercié, à partir de ce moment-là, j’ai pris l’habitude de lui déposer quelque chose à chaque fois que je le voyais, tandis que moi je rentrais bien au chaud chez moi. Les sentiments que l’on éprouve alors sont multiples, car même si ce geste est généreux, il est tellement insignifiant quand on constate tout ce qu’ils vivent dehors. Et puis, un jour, je ne l’ai plus vu… j’ai ressenti comme un gros pincement au coeur, car je me suis toujours demandée ce qu’il lui était arrivé, à ce monsieur que j’avais appris à apprécier.

Je trouve que tout fonctionne avec ce livre ! Nous avons une histoire qui nous montre le contraste qu’il y a entre ceux qui ont un foyer et ceux qui vivent dehors, c’est flagrant, c’est très percutant ! Le texte appuie bien sur ce contraste marquant avec ces deux personnages et leurs vies. Le titre est tout à fait bien choisi, je le trouve très cohérent et il évoque qu’il y a peu qui les sépare, pour le pas qu’il peut être fait, mais que c’est toutefois à l’image d’un fossé entre, encore une fois, leurs deux façons de vivre. La couverture quand à elle, répond parfaitement bien à cette séparation de deux mondes, avec la perspective du bâtiment qui coupe l’image en deux avec l’arrête de son angle, les rues qui l’entourent comme deux chemins différents et leurs deux mondes, le tout accentué par le clair-obscur du bâtiment. Elle est à la fois très simple, mais elle représente très bien cette histoire, je la trouve très réussie. Quand on regarde le dos du livre, ce que nous voyons quand nous mettons notre livre dans la bibliothèque, j’aime beaucoup ce petit détail qui inscrit le nom de l’auteure dans une plaque comme le sont les rues parisiennes.

Pour conclure, car je raconte plein de choses ! C’est un roman engagé qui évoque une thématique qui confronte un certain nombre d’individus et il est important de leur donner la parole comme ici à travers ce genre de texte, pour que l’on puisse nous aussi nous rendre compte de cette chance que nous avons d’avoir un toit. Quand je pense qu’il neige dehors au moment où j’écris cette chronique, je ne peux m’empêcher de penser à ceux qui sont dehors. C’est un très beau texte, à la fois doux comme percutant, certaines scènes resteront graver dans ma mémoire, j’en ai des frissons et les larmes aux yeux en y repensant, mes réactions à la lecture du roman sont assez évocatrices de ce que j’ai pu ressentir en le lisant.

La rue qui nous sépare
De Célia Samba
Editions Hachette Romans
Broché 394 pages
Sortie le 20/01/2021

pcc


la-cloche

L’achat de ce roman s’inscrit dans une démarche d’engagement vis à vis d’une organisation à but non lucratif pour aider les sans-abris. La cloche propose bien des actions dans ce sens. A l’achat du roman, 1€ leur est reversé.

Découvrez le Book Trailer du roman

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